La Roche est un hameau des hauteurs de la commune de Doizieux.
Par temps clair, on aperçoit la vallée du Dorlay, la vallée du Gier, les coteaux du Jarez, les Monts du Lyonnais, le Mont Blanc, la flamme de Feyzin, le crêt de l’Oeillon (avec son antenne relais), le crêt de Bote (avec
sa tour militaire) qui se sont complètement fondues dans le paysage et peut-être qu’un jour nous pourrons voir des éoliennes.
Le spectacle vaut aussi le déplacement par temps plus frais ou brumeux. La vallée disparait alors dans une trainée laiteuse.
Pour y accéder l’hiver en voiture, il faut être équipé car la « sagne » est rude avant d’arriver sur le plateau.
La Roche est connue de tous mais il est un temps que seuls les plus de 70 ans se souviennent : un hameau composé de nombreuses familles. Dans le milieu des années 1900, la Roche était un hameau où habitaient des dizaines de familles : les familles Damizet de la Roche ou de la Sagne du Creux, Damoizet Claude, René, Françis … Trémollet dit « le pape » et sa papesse, Damon du Chaudet, Prier de la Roche
ou de la Chomette, Escoffier dit « la piar », Dubreuil, Barralon, Jean-Louis Roule… Selon les témoignages, les Damoizet et Damizet seraient issus de la même lignée : Au Damizet, le « O » parfois rajouté au fil des siècles a entrainé la création de deux noms de familles.
L’entraide, le sourire et l’amitié étaient légions à la Roche. Tous se serraient les coudes et s’épaulaient, surtout durant les longs et rigoureux hivers. Pendant cette période, ils vivaient en quasi autarcie, faisant leur déneigement avec leurs bêtes. Aux beaux jours, c’était les foins ou la batteuse, toujours en commun. Mais ils savaient aussi se divertir : jouer aux cartes, se réunir entre voisins au coin du feu, jouer aux boules chez Joannes Damizet (maintenant chez J-Pierre Bruyas ). Les hommes travaillaient dans les usines de Doizieux ou dans les bois à la coupe (au passepartout ou à la cognée) et au débardage (avec leurs boeufs ou leurs vaches) pour les scieries de la région : Duplany, Colly, Jullien ou encore Reynard. La plupart possédait des terres et des bêtes. Ils confectionnaient beurre et fromage pour aller les vendre à St-Chamond ou dans les villages alentours. Le travail était pénible à cette époque, les terres morcelées, le rendement faible mais il n’y avait point de ressentiment. Les gosses du hameau allaient à l’école à pied ou en ski l’hiver. Ils se regroupaient pour faire la descente ensemble.
Les jeunes allaient danser les dimanches au Planil chez Chaize. S’y retrouvait la jeunesse de St Martin en Coailleux, Doizieux, la Terrasse sur Dorlay et la Valla en Gier. Un air d’accordéon, trois lampions suffisaient à rendre un après-midi festif. Mais il y a eu aussi à la Roche des grandes fêtes comme les journées majorettes chez Linossier : un grand spectacle de plein air avec buvette et buffet qui drainait un grand nombre de personnes. Ce que tous m’ont fait sentir, c’est que le hameau de la Roche était plus qu’un hameau, c’était un village en lui même. C’était un lieu très convivial.
Certains rochias (habitants de la Roche) ont marqué les esprits de par leur personnalité :
- Joseph Trémollet (surnommé le Pape) qui montait son sac de farine de 50 kg sur les reins, de la place du village à la Roche, ou qui faisait les foins avec le curé, le père Berne.
- Francis et Antoinette Prier : la Toinette se rappelait les dates de naissance de tous : amis et famille.
- Lili et André Goutelle qui étaient là toutes les vacances. Lili, toujours partante pour faire les 400 coups : coudre les manches de veste des hommes pendant qu’ils étaient au boulot, boucher une cheminée…
- René Damoizet (surnommé le Lapin) et ses boeufs qu’il emmenait régulièrement en démonstration lors des concours de labours : le cadet et le mousse. Grâce à son talent, il était capable de rentrer et sortir ses boeufs liés au joug de son écurie, par une porte très étroite. Quand on lui demandait combien il avait de bêtes, farceur il répondait : SANS vaches et deux boeufs. Les autres entendaient 100 vaches. Il s’amusait de ce quiproquo. Jusqu’à ce que la maladie ait raison de lui, il est resté le berger de la Roche. Il surveillait tous les troupeaux et connaissait chaque bête. Il régalait ses nombreux amis de ses célèbres soupes aux choux ou de ses succulentes fricassées de champignons. Toujours beaucoup aimé et considéré, il était aussi surnommé M. le Maire de la Roche. Son ami, Marcel Rivory, surnommé « le marocain », avait d’ailleurs fabriqué une enseigne « La Mairie de la Roche » qui était suspendue devant sa porte d’entrée et lui avait écrit une chanson. Merci à René pour tout ce qu’il a pu apporter à ceux qui ont eu la chance de le connaitre.
- Les Fléchet qui ont rénové la grange de Francis Damoizet (dit Casi). Cette salle qui a fait connaitre la Roche à de nombreux citadins et qui a donné lieu à de grandes fêtes.
- Guy Duculty, plus connu sous le nom de Guitou, qui avec René formait un duo très vivant.
- Mathieu, le Casino, qui toutes les semaines stationnait, avec son tube, dans la cour de Claude et M. Louise Damoizet pour vendre nécessités et friandises. Il permettait à tous de se rassembler et de commenter la semaine passée. Son passage était très attendu.
Au fils des ans, la Roche s’est peu à peu vidée de ses habitants. Les célibataires, nombreux dans le coin, et les couples sans enfants sont décédés. Les descendants « des rochias » ont préféré vendre ou se rapprocher de la vallée. Il y a aujourd’hui plus de têtes de bétail que d’habitants. Les vaches paissent sur le plateau, elles broutent une herbe riche, appétente et nourrissante. Les Aubracs y vivent des journées ensoleillées du printemps jusqu’à la fin de l’automne. Actuellement, seules 3 ou 4 familles y vivent de façon permanente. Les résidents ont su s’adapter à cette altitude et aux inconvénients hivernaux. Le panorama, la quiétude des lieux est un atout non négligeable dans leur choix de vie. S’il y a peu de résidences principales, il y a aussi peu de maisons laissées à l’abandon : on y trouve des maisons secondaires. Ces habitations sont très bien intégrées dans le paysage formé par les prairies agricoles et les forêts (sapins ou pins).
La Roche est connue et appréciée des marcheurs. La montée en partant de Doizieux est progressive, voire soutenue mais quel panorama arrivé sur le plateau ! L’arrivée à la Roche est le terminus ou simplement un passage pour aller à la Jasserie, au Saut du Gier ou encore à l’Oeillon. Les possibilités sont multiples : faire une boucle ou au contraire rejoindre les crêts à travers les bois ou les pistes forestières. C’est aussi le lieu de rendez- vous des ramasseurs de champignons, de myrtilles…
Nombreux sont les amis de la nature et les doizerains, qui connaissent, qui apprécient et qui respectent les lieux à la Roche.
Martine Berne